En fin de journée à Battambang, ville carrefour cambodgienne que traversent les visiteurs dans leur route vers les merveilles d’Angkor, des habitant(e)s se rassemblent par dizaines au bord de la rivière pour une séance d’aérobic collective, au son de haut-parleurs saturés. Des coachs habillés de lycra donnent le tempo et l’énergie, et l’on imagine que les collègues de bureau, les mères au foyer et les jeunes retraités, au sortir du travail ou après les occupations de leur journée, se donnent chaque soir rendez-vous devant les enceintes tonitruantes de tel ou telle leader de revue survitaminé(e).
Une salle de sport à ciel ouvert ? Pas seulement. Car là où chacun, à la “salle”, s’escrime seul dans son effort – qui sur son rameur, qui sur son tapis de course, qui sur ses pompes ou ses abdos –, on est ici face à un mouvement collectif. Tous se sont rassemblés pour faire les mêmes moulinets et déhanchements, bouger bras et jambes à l’unisson et dans la même direction.
Dans cette localité tranquille, cette belle émulation, d’autant plus appréciable qu’elle est tout à fait inattendue, volerait presque la vedette aux autres curiosités locales : le grand marché, les maisons coloniales et la pagode de l’Éléphant blanc. Quelques années plus tard, je suis tombé sur une scène comparable à Vientiane, capitale du Laos, un jour où un lourd ciel d’orage donnait au spectacle un air de dernière danse avant la fin du monde. Ensemble, ils semblaient prêts à défier les éléments, comme s’ils avaient le pouvoir de repousser les nuages d’encre…