Le cloître de l’abbaye de Cadouin est une pure merveille. Au cœur du Périgord dit « pourpre », il met des étincelles dans les yeux des collégiens, des touristes de passage et des membres de la Commission du patrimoine mondial (qui ont inscrit l’abbaye dans sa liste en 1998) avec ses délicats entrelacs de pierre claire, la flamboyance de ses motifs gothiques et ses étonnantes clefs de voûte pendantes, figurant côte à côte anges et pêcheurs.
Sa beauté et son somptueux état de conservation ne sont cependant pas les seuls à avoir assis sa réputation. L’abbaye, fondée au XIIe siècle, a en effet attiré des milliers de pèlerins car elle renfermait un suaire, arrivé ici de façon mystérieuse, qui aurait ceint la tête du Christ. Pendant près de huit siècles, à partir de 1117, on vint ici s’agenouiller devant la sainte étoffe – à laquelle on prêta plus de 2 000 miracles aux XIV et XVe siècles – et la porter en procession.
Mais les miracles ont parfois une fin. En 1934, interloqués par certains motifs de l’étoffe, des scientifiques révèlent qu’il s’agit d’un tissu vraisemblablement fabriqué en Égypte au XIe siècle et qu’il comporte des caractères en arabe ancien en l’honneur de Mahomet et d’Allah. Il faut dès lors se rendre à l’évidence : pendant des siècles, toute la chrétienté est venue se prosterner sur une fausse relique et un vrai tissu musulman…
Ironie de l’histoire, les « miracles » de Cadouin étaient notamment liés à la folie : les « fous », ou ceux supposés tels, venaient toucher le suaire pour guérir des errances de leur esprit. La foi, dit-on, se passe de preuves.