Au cœur du parc kenyan du Tsavo – qui fit parler de lui à la fin du XIXe siècle car ses lions avaient pris la fâcheuse habitude de dévorer les ouvriers construisant la ligne de chemin de fer entre Mombasa et le lac Victoria –, le Severin Safari Camp est une oasis de calme et de bonheur. Ici, pas de clefs. Dans chaque bungalow-tente, le voyageur trouve une torche, un recueil de textes contenant des citations de Out of Africa de Karen Blixen (« There is something about safari life that makes you forget all your sorrows and feel as if you had drunk half a bottle of champagne”) et un sifflet en cas de rencontres fortuites, lesquelles ne sont pas davantage précisées : hippopotame sous le lit ? Léopard dans la penderie ?
Ce soir, quelques gracieuses gazelles de Grant broutent devant ma terrasse et une girafe pointe le haut de son cou réticulé au-dessus des épineux. Après la tombée de la nuit, un interrupteur permet d’appeler un gardien massai armé d’un stick (il rigole lorsqu’on lui demande son utilité en cas de rencontre avec un fauve) pour aller jusqu’à la réception ou au restaurant. À l’heure du dîner, on repère un croco quelques dizaines de mètres devant le bungalow 17, au-delà du panneau stipulant de ne pas franchir ce point (dont on considère tout à coup l’utilité avec davantage de sérieux). Au matin, le saurien est statufié devant le 18.