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Il faisait parler de lui depuis quelques jours déjà. Sa traîne neigeuse sur les images satellite avait obscurci le ciel, accéléré le mouvement des nuages, creusé la mer assombrie et hachée d’écume. À 400 km au NNW de l’île, il laissait déjà planer un doute, alternant rafales et moments de calme étranges, suspendus.
Et puis, au matin, Gamède est arrivé. La mer a cessé de lutter et s’est laissée dominer. Bruit incessant du vent sifflant dans les encoignures des portes, sons sourds, au loin, de tôles arrachées, de portes qui claquent. Et de nombreux autres, non identifiés. Dehors : palmiers échevelés et rideau de pluie incessant traversant l’air presque à l’horizontale. Gamède, cyclone tropical intense, a pris possession de l’île Maurice. Alerte de classe 3. Tout est gris.
Me voilà bloqué à l’hôtel, eau et électricité coupées. Gamède est maintenant à 200 km au nord-ouest. Il n’y a plus d’horizon. Seulement le fracas. Quelques touristes, aux balcons, filment la débandade de leurs vacances tropicales. Cela fait maintenant près de 10 heures que le cyclone a pris possession de l’île. Pour passer le temps, je compte les filaos couchés sur la plage. Un de plus tombe sous mes yeux. Le bruit du vent a totalement masqué le bruit de sa chute. Un dense rideau de pluie voile le paysage comme du papier calque. Les vagues furieuses se déchirent sur la plage. Dès que l’horizon s’éclaircit un peu, on aperçoit un porte-container qui s’est dangereusement rapproché de la côte.
Au matin du deuxième jour, le ciel commence à s’éclaircir. Trop épuisés pour voler dans cette furie, les oiseaux attendent au sol, vent debout, l’air épuisé et hagard, que le cyclone lâche son étreinte sur les éléments. Le vent souffle encore avec violence, ramenant dans les chambres, par chaque interstice, des fragments de végétaux et de terre humide. Quelques voitures se remettent à circuler, donnant le signal d’une possibilité d’escapade à des grappes de touristes en quête de frissons, mais vite rentrés à l’abri.
Des chiens, affamés et trempés, errent sur la plage éventrée par la mer et le vent, piquent un sprint, s’arrêtent, hument l’air, se couchent, se relèvent, tournent en rond et se coursent. Queue entre les jambes, ils finissent d’éventrer les rares poubelles et échangent des coups de crocs lorsqu’ils se croisent.
[Le cyclone Gamède a touché l’île Maurice – et la Réunion – entre le 24 et le 26 février 2007. Le vent maximum enregistré sur l’île Maurice a atteint 158 km/h.]
Photo © Météo-France
Image satellitaire Meteosat7, le 24/02/2007 à 1100 : cyclone Gamède sur la Réunion.