Le temps figé

FemmeHimba © Olivier Cirendini

À la sortie du supermarché Spar d’Opuwo, ville poussiéreuse de la région du Kaokoland, au nord de la Namibie, une femme Himba dénude sa poitrine avant de se diriger vers des touristes pour tenter de leur vendre des bijoux de sa fabrication.

J’ai bien vu et je m’étonne. Traditionnellement, les femmes Himba vont seins nus. Mais, quelques minutes plus tôt, dans les travées éclairées aux néons du magasin, je l’avais aperçue vêtue de la traditionnelle jupe en peau, le corps et les cheveux enduits du mélange d’ocre et de graisse qui leur donne un aspect soyeux et velouté… mais avec une étoffe sur le haut du corps. Le tourisme n’aime pas le changement. Certaines femmes Himba, sachant que leur crédit dépend de leur « authenticité », en viennent donc à se conformer à l’image que les visiteurs en quête de dépaysement attendent d’elles.

À Opuwo comme ailleurs sur la planète tourisme, les rites se doivent d’être millénaires et les traditions hors du temps. Sinon, « c’est plus ce que c’était ». L’image « authentique » est une image figée. Un Massaï en Nike, un Aborigène avec des Earpods ou un Inuit en motoneige, allons donc, c’est quand même moins photogénique… Le tourisme, parfois, interdit aux gens de vivre dans leur époque.

See you in Solitaire

Solitaire, Namibie ©Olivier Cirendini

Solitaire est au milieu du centre désertique de la Namiblie. Autant dire au milieu de nulle part. Et pourtant tout le monde semble s’y arrêter. Passage obligé au carrefour des routes entre Windhoek, Walvis Bay, Sossusvlei et le parc national du Namib-Naukluft, cette localité de moins de 100 âmes cultive ses airs de Bagdad café sous le soleil africain.

Son nom on ne peut plus évocateur lui aurait été donné par l’épouse d’un courageux fermier qui s’y est installé en 1948, et nul ne sait si elle faisait référence au bijou ou à une certaine désolation. Des carcasses d’antiques Chevrolet et de tracteurs Ford finissent de rouiller au milieu du désert, dans le bruit de grincement d’une windpump, ces tours en métal flanquées de pâles mollement actionnées par le vent qui sont devenues le symbole des régions désolées.

« Beer is now cheaper than gas. Don’t drive, let’s drink » (la bière est maintenant moins chère que l’essence. Buvons plutôt que conduire), annonce un panneau. Ambiance. Les raisons du succès des lieux auprès des visiteurs ? Une indéniable atmosphère, donc, mais aussi quelques bonnes chambres d’hôtel, un camping, une station-service-épicerie et une boulangerie dont la tarte aux pommes serait « world famous ».

Court-circuit (Délestage 1)

Logo Jirama Madagascar © Olivier Cirendini

La lumière s’éteint, la ville vibre d’un ohhh ! général, et ça n’étonne plus personne. La Jirama – Jiro sy Rano Malagasy, « Eau et électricité de Madagascar », la société nationale de fourniture d’eau et d’électricité malgache – est (presque) avant tout connue pour ses délestages. Des coupures de courant régulières, par quartiers, parfois quotidiennes.

La faute à une infrastructure hors d’âge et mal entretenue, souvent des générateurs pétaradants que l’on croise en périphérie des villes de province dans le grondement du métal et les odeurs de fioul. Avec le temps, on s’y habitue, ou du moins on se fait une raison. Sauf quand on ne s’y habitue pas : pourquoi la coupure survient-elle toujours quand on est sous la douche ou dès que l’on branche un ordinateur en mal de batterie ?

Et puis un jour, on tombe sur le logo de la Jirama. Et tout s’explique : on y voit un robinet d’eau coulant dans une ampoule électrique. À la base, en somme : un court-circuit.

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